dimanche 20 janvier 2013

La Chanson de La Palisse de Bernard de la Monnoye


Messieurs, vous plaît-il d'ouïr
l'air du fameux La Palisse,
Il pourra vous réjouir
pourvu qu'il vous divertisse.

La Palisse eut peu de biens
pour soutenir sa naissance,
Mais il ne manqua de rien
tant qu'il fut dans l'abondance.

Il voyageait volontiers,
courant par tout le royaume,
Quand il était à Poitiers,
il n'était pas à Vendôme!

Il se plaisait en bateau
et, soit en paix soit en guerre,
Il allait toujours par eau
quand il n'allait pas par terre.

Il buvait tous les matins
du vin tiré de la tonne,
Pour manger chez les voisins
il s'y rendait en personne.

Il voulait aux bons repas
des mets exquis et forts tendres
Et faisait son mardi gras
toujours la veille des cendres.

Il brillait comme un soleil,
sa chevelure était blonde,
Il n'eût pas eu son pareil,
s'il eût été seul au monde.

Il eut des talents divers,
même on assure une chose:
Quand il écrivait en vers,
il n'écrivait pas en prose.

Il fut, à la vérité,
un danseur assez vulgaire,
Mais il n'eût pas mal chanté
s'il avait voulu se taire.

On raconte que jamais
il ne pouvait se résoudre
À charger ses pistolets
quand il n'avait pas de poudre.

Monsieur d'la Palisse est mort,
il est mort devant Pavie,
Un quart d'heure avant sa mort,
il était encore en vie.

Il fut par un triste sort
blessé d'une main cruelle,
On croit, puisqu'il en est mort,
que la plaie était mortelle.

Regretté de ses soldats,
il mourut digne d'envie,
Et le jour de son trépas
fut le dernier de sa vie.

Il mourut le vendredi,
le dernier jour de son âge,
S'il fut mort le samedi,
il eût vécu davantage.

Bernard de la Monnoye

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